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CHAMBRES |
PRESTATIONS |
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Chambre I | 2 lits - Douche / WC | |
Chambre II | 2 lits + 1 lit en supplément - Douche / WC |
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Chambre III | 3 lits | |
Chambre IV | 2 lits | |
Chambre V | 2 lits | |
Chambre VI | 1 grand lit |
POLÉMIQUE : Un article du «Monde» déclenche une affaire d'Etat: la très touristique Maison des esclaves serait l'objet d'un «révisionnisme».
Le 17 mars dernier, Hillary Clinton, de passage au Sénégal, visitait la fameuse Maison des esclaves de l'île de Gorée, à trois kilomètres au large de Dakar. Comme avant elle James Brown ou Jean-Paul II, la First Lady a peut-être essuyé une larme polie à l'évocation du passé des lieux: cellules des femmes, cellules des enfants, cachot pour les rebelles, porte pour le «voyage sans retour» donnant sur l'océan, escalier à double révolution conduisant à l'étage aux appartements des négriers, etc. Et si Hillary Clinton s'était fait avoir? Si la bâtisse ocre rouge n'avait été, au temps de l'esclavage, qu'un entrepôt - doté d'une «captiverie» au rez-de-chaussée - mais un entrepôt quand même, comme l'ont été bien d'autres bâtiments de l'île? C'est la thèse avancée par deux Dakarois, un conservateur de musée et un père jésuite blanc, travaillant pour le compte de l'IFAN (Institut fondamental d'Afrique noire). Une thèse qui, reprise dans un article du journal «Le Monde» daté du 27 décembre 1996, a secoué l'opinion publique dakaroise. Réagissant très vite, la presse locale s'est fait l'écho de l'onde de choc provoquée au sein de la population et du milieu scientifique. Afin de clarifier les esprits et, surtout, de faire le point sur les connaissances historiques sur la Maison des esclaves, un colloque devrait se tenir à Gorée les 7 et 8 avril prochain.
Serré en bas d'une page consacrée au patrimoine culturel africain, l'article s'intitule «Le mythe de la Maison des esclaves qui résiste à la réalité». Choc à Dakar. La Maison des esclaves, on y emmène systématiquement le cousin valaisan ou congolais de passage au Sénégal. Le week-end, on y refait volontiers un tour, comme un pèlerinage, à l'ombre, entre deux baignades à la plage du débarcadère. Dans l'article en question, c'est la véracité des faits historiques qui est revue et corrigée. Selon la tradition orale perpétuée par le guide et unique locataire attitré de la Maison, Joseph N'diaye, l'«esclaverie» aurait été construite par les Hollandais au XVIIe siècle (il s'appuie sur des documents topographiques). Elle aurait été le point central d'où seraient partis des centaines de milliers d'esclaves embarqués vers le Nouveau Monde. Selon les deux chercheurs de l'IFAN, Abdoulaye Camara et le Père de Benoist, la maison aurait plutôt été bâtie par les Français en 1783, alors que la traite allait être abolie. La «vraie» aurait été détruite durant la Seconde Guerre mondiale.
Depuis 1969 et le livre de l'Américain Philip Curtin («The Atlantic Slave Trade Census»), le nombre de Noirs déportés subit de régulières variations. Tandis que tout un courant d'historiens chiffre à 12 millions le nombre d'esclaves déportés depuis Gorée, «Le Monde» avance le chiffre de 500 déportations par an. «La question de l'esclavage est un vieux débat, explique l'historien et ministre Abdoulaye Bathily. Mais l'histoire de Gorée n'avait jamais été remise en question. Il existe une masse de documents écrits aussi bien français, hollandais qu'anglais. Ils sont accablants.»
C'est le fait de nier le rôle fondamental de Gorée (à l'extrême ouest du continent africain) dans la traite des Noirs qui a choqué. «"Le Monde" renie l'histoire de Gorée», titre le journal «Sud Quotidien». Très vite, le mot est lâché: «révisionnisme». «Le papier paru dans "Le Monde" (...) appartient sans doute au courant révisionniste», écrit l'historien M'baye Guèye dans le quotidien «Le Soleil». Puis, c'est le dérapage. Le vieux guide se laisse emporter par ses émotions: «A côté des négriers, les nazis étaient des enfants de choeur», lâche-t-il à «Sud Quotidien». L'histoire prend les proportions d'une affaire d'Etat.
TOURISME EN JEU En touchant à la Maison des esclaves, classée comme toute
l'île patrimoine mondial de l'humanité, on a touché le coeur des Sénégalais. Car
«Jo» N'diaye, compagnon de Bigeard en Indochine, est sans doute le Sénégalais le plus
connu dans le monde après Senghor. Ses concitoyens le chérissent pour son bagout, son
phrasé de titi parisien, ses envolées dithyrambiques sur le passé du pays «martyr».
Après la publication de l'article incriminé, le chercheur de l'IFAN, Abdoulaye Camara («Je
ne suis pas révisionniste, se défend-il. Je n'ai pas fait la comptabilité des
esclaves») a été convoqué au ministère du... Tourisme. Car avant de toucher au
symbole, c'est au fonds de commerce du Sénégal qu'on a pu porter préjudice. Alors que
l'Unesco a lancé le projet d'une «Route de l'esclave», comme il existe une Route de la
soie, certains pays africains cherchent à se positionner: Bénin, Angola, Mozambique,
etc. Pour certains, l'affaire de Gorée tombait mal. Qu'ils se rassurent. Le mémorial des
victimes de l'esclavage sera érigé d'ici l'an 2000. A Dakar et nulle part ailleurs.
F. D.