Le Baobab "Adansonia Digitata"
Le baobab est l'embl�me du S�n�gal. En dehors des fr�quentes rencontres avec cet arbre dans la nature, son image se trouve m�l�e de fa�on �troite � la vie du pays : logos en tout genres, publicit�s de produits divers, r�f�rences, citations, embl�me de tampons administratifs... Il a inspir� les po�tes, les �crivains, les peintres, les photographes, les scientifiques, les m�decins... On lui a d�couvert mille usages... C'est donc un �tre d�j� peu banal, mais en plus il flotte autour de lui un parfum de myst�re, de l�gendes... Tout d'abord son nom. L'origine du mot baobab a donn�
lieu � de nombreuses analyses, il aurait �t� imprim� pour la premi�re fois en 1592
� Venise dans un ouvrage illustr�, le De Plantais �gyrine Liber, publi�
par un m�decin padouan, Prosper Alpine � son retour d'Ego. Ce vocable ne
p�n�tra que beaucoup plus tard dans la langue fran�aise, dans l'Encyclop�die,
ou Dictionnaire raisonn� des Sciences, des Arts et des M�tiers, uvre
monumentale du XVIII�me si�cle, compos�e sous la direction de Diderot et
de d'Alembert, publi�e � partir de 1751, apr�s qu'il f�t tir� des
t�n�bres par Michel Adanson, tombant en arr�t, en ao�t 1749, devant les
baobabs de Sore, � Saint Louis du S�n�gal. Je lui laisse la parole :
"(J'aper�us) un arbre dont la grandeur prodigieuse attira toute mon attention.
C'�tait un calebassier, autrement appel� pain de singe, que les wolofs nomment gou�
dans leur langue...". Maintenant, si vous consultez Le Robert, vous trouvez la d�finition suivante : baobab, mot s�n�galais... En fait, plusieurs graphies du mot ont exist�, en relation avec les nombreuses interrogations sur son origine.
Origine du mot baobab La premi�re description serait plus ancienne et aurait �t� faite par le portugais Gomes Eanes de Zurara dans la "Cronica dos feitos de Guin�" vers 1450 : "... son fruit est comme une calebasse... A la suite de cette observation, il porta donc le nom de calebassier du XV�me au XVIII�me si�cle. Prospero Alpino �crit bahobab, graphie en concurrence avec baobab et parle en fait du fruit : "bahobab est fructus...". le mot serait une translitt�ration d'�poque du terme arabe "bu hibab" signifiant le "fruit aux nombreuses graines". Jussieu et Linn� ont bien vu que les �chantillons envoy�s par Adanson correspondaient � un arbre d�j� d�crit en �gypte, et en d�duisent que le nom n'est pas � rechercher dans une langue ouest-africaine, mais en arabe d'Egypte o� "lobab signifie une noix, amande ou similaire. C'est aussi le nom commun pour la pulpe ou tout produit d'un fruit. C'est �galement la moelle de n'importe quel arbre... De plus, dans notre langage quotidien, lobab signifie mie de pain". On peut en d�duire que, pour le moins, l'origine du mot est assez obscure, mais le foisonnement d'hypoth�ses � ce jour ne traduit-elle pas simplement l'int�r�t tout particulier suscit� par cet arbre, ne serait-ce que par son tronc immense et ses �normes branches ressemblant � des racines, ce qui fait dire que, gr�ce � elles, il tire sa force du ciel? Description du baobab Vous l'avez, bien entendu, tout rencontr� et contempl� au S�n�gal. Gomez Eanes de Zurara disait : "Dans cette �le o� les armes de l'Infant �taient grav�es, ils trouv�rent de tr�s grands arbres � l'aspect �trange, parmi lesquels il y en avait un dont le pied avait 108 empans de tour. Cet arbre n'a pas un tronc plus haut que le noyer, et de la partie fibreuse de son �corce on fait un tr�s bon fil pour les cordages, et elle br�le pareillement � du lin. Son fruit est semblable � des calebasses, dont les p�pins sont comme des noisettes, et ils (les habitants) mangent ce fruit encore vert, et les p�pins ils les font s�cher et ils en conservent une grande quantit�, je crois que ce doit �tre pour leur nourriture apr�s que le vert leur manque." En botanique, l'esp�ce est rattach�e � la famille des bombacac�es. Son tronc �norme est unique dans le r�gne v�g�tal, il est courant de l'observer avec un tronc aussi large que haut (10m). Certains d�passent ces dimensions, par exemple le baobab de Fissel, � l'est de Mbour, dont le tronc mesure 22,09 m de circonf�rence. A titre documentaire, le baobab n'est pas l'arbre le plus haut du monde, il s'agit d'un s�quoia de 111, 60 m (New Tree), ni l'arbre dont le tronc est le plus large : il s'agit d'un ch�taignier, en Sicile, de 51 m de circonf�rence (64 m avant intemp�ries) d�nomm� "l'arbre des 100 chevaux". Le baobab jeune ressemble � une bouteille �lanc�e avec quelques rameaux plant�s dans le bouchon. L'arbre adulte pr�sente un tronc fort et trapu, tr�s souvent creux, ses branches sont tortueuses, g�n�ralement �tal�es. L'�corce est lisse, gris�tre ou quelquefois argent�e ou bien encore rouge�tre ou violac�e. Les feuilles du baobab sont longuement
p�tiol�es, digit�es avec un nombre variable de folioles ovales longues de 10 � 15 cm,
pubescentes ou presque, poilues dessous, vert plus fonc� et brillantes au dessus. Elles
apparaissent de fa�on irr�guli�re un peu avant la saison des pluies et apr�s ou � la
fin de la floraison. L'arbre est donc feuillu de mai-juin � novembre et d�nud� en
saison s�che. Dans les zones fra�ches ou dans des lieux arros�s comme les jardins,
certains arbres peuvent demeurer feuillus toute l'ann�e. La floraison et la f�condation du baobab La floraison a lieu du mois de mai aux environs du mois d'ao�t, � la nuit tomb�e. Le gros bouton floral sph�rique pend � l'extr�mit� d'un long p�doncule. Il s'entrouvre, le calice se fend en 5 parties qui se recourbent peu � peu, la fleur s'�panouit 2 heures apr�s le d�but de l'ouverture, les s�pales se retournent enti�rement en s'enroulant vers le haut. Les p�tales suivent ensuite le m�me chemin, ils se d�plient, se d�froissent. La pleine �closion se fait rapidement, en un quart d'heure environ, les changements de la fleur sont visibles � l'il nu. Les fleurs sont grandes, blanches, la corolle est compos�e de 5 p�tales tordus, les �tamines sont nombreuses (1500 � 200), les anth�res forment une grosse masse sph�rique, le style est simple, filiforme, termin� par un stigmate pro�minent. La fleur du baobab �tonne par la position qu'elle occupe sur l'arbre ; en effet, � l'extr�mit� du p�doncule flasque d'une longueur d'environ 50 cm, les pi�ces florales du calice, de la corolle, de l'androc�e ainsi que le style se recourbent vers le haut. L'odeur qu'elle d�gage est peu agr�able. C'est une fleur d'une nuit, car le lendemain elle para�t d�j� fan�e, elle perd son �clat, la blancheur est ternie et le soir suivant toutes les pi�ces florales tombent ensembles. La f�condation a lieu pendant la nuit. La pollinisation est assur�e par les chauve-souris et autres micro-mammif�res. La visite qu'effectue la chauve-souris est tr�s br�ve, quelques secondes pendant lesquelles elle s'accroche avec ses griffes dans les tissus de la corolle. La chauve-souris, amatrice de fruits et de jus sucr�s, est attir�e par le nectar assez abondant dans la fleur. Les fruits ont des formes variables selon les esp�ces de baobab, sph�rique ovo�de, allong� ellipso�de. L'enveloppe est pelucheuse, dure, ligneuse, vert brun�tre ou gris jaun�tre, rempli d'une pulpe blanche ou ros�e. Cette pulpe contient de nombreuses graines de la taille d'un haricot, dures, r�niformes, brun noir avec des incrustations brun rouge. Le baobab inspirateur de l�gendes et de propos extraordinaires Apr�s ces descriptions un peu techniques, laissons-nous porter par des visions diff�rentes, sur un ton plus po�tique. Plusieurs l�gendes sont inspir�es du baobab, par exemple celle-ci, localis�e au Kenya, pr�s du Kilimandjaro : "... Il y a devant nous une source et un petit �tang. Quand aucun vent ne souffle, la surface de l'�tang est lisse comme un miroir. Il y a tr�s, tr�s longtemps, le baobab �tait aupr�s de l'eau et dressait sa cime vers le ciel. Il voyait les autres arbres qui avaient des chevelures fleuries, de tendres �corces et des feuilles. Tous �tincelaient de couleur et le baobab voyait tout cela dans le miroir et il �tait malheureux. Ses feuilles � lui �taient minuscules, ses fleurs imperceptibles. Il �tait gras et son �corce ressemblait � la peau rid�e d'un vieil �l�phant. L'arbre invoqua Dieu et se plaignit � lui. Dieu avait cr�� l'arbre et �tait satisfait de son uvre qui n'�tait pas semblable aux autres. Il aimait la diversit�. Seulement, il ne pouvait supporter la critique. Il demanda � l'arbre s'il trouvait beau l'hippopotame ou agr�able le cri de l'hy�ne. Puis Dieu se retira dans les nuages. Il voulait qu'on le laiss�t r�fl�chir en paix. La cr�ation d'hommes qui lui plairait lui causait d�j� bien du souci.... Le baobab ne cessait, ni de se regarder dans le miroir, ni d'�lever vers lui ses plaintes. Dieu descendit donc, saisit le baobab, le souleva et le replanta dans la terre. Ainsi l'arbre ne se voyait plus et ne se plaignait plus. Tout �tait rentr� dans l'ordre..." Voici encore celle racont�e par les habitants du village de Toumbou-b�, dont la notori�t�, en 1926, venait de son baobab : "Ce baobab est venu ici, transport� dans les airs, d'un village nomm� Balou, qui existait autrefois sur la rive orientale du Bafing. Les anc�tres des habitants actuels, des Mon�catas, re�urent l'ordre de suivre le baobab jusqu'� l'endroit o� il s'arr�terait. Mamadou Mon�cata �tait alors le chef du clan. On ne peut dire � quelle �poque ceci se passe. Un second baobab de Balou partit aussi dans les airs � la suite de celui-ci. Il retomba au village actuel de Faraba. Mais celui-l� ne se d�veloppa pas outre mesure et n'a pas acquis de pouvoir bien grand. Une partie des �migr�s de Balou demeura � l'endroit de la chute et fonda Faraba. C'est pourquoi il y a aussi des Mon�catas � Faraba, parents de ceux de Toumbou-B�. Mamadou Mon�cata s'arr�ta, avec ses gens, � Toumbou-B� o� tomba et repris racine le vrai baobab sacr�. Il fonda ce village. A sa mort, on l'enterra sous l'arbre. On conna�t l'endroit du tombeau, bien qu'on ignore la date d'existence de ce grand a�eul. Des abeilles avaient suivi, de Balou, dans le tronc du baobab, mais, � sa chute, elles sont parties vivre dans les rochers du marigot voisin. Tous les trois ans, les gens de Toumbou-B� ont leur provision de miel dans ces rochers, mais il n'y a qu'eux qui peuvent en prendre. Celui qui �gratigne l'�corce du baobab, meurt dans l'ann�e. Toute �corchure � l'�corce fait sortir du sang. Si l'on casse certains fruits (pains de singe), on y trouve des cheveux humains. Dans des temps inconnus, quelqu'un voulut monter � l'arbre et y planta des �chelons : il mour�t sur le coup. On voit encore des traces de cet essai d'ascension. Une grosse branche cass�e, tomb�e � terre et enti�rement dess�ch�e, donne encore fleurs et fruits, auxquels personne ne touche. On ne peut frapper ni insulter qui cherche asile sous les branches ou dans les cavit�s du baobab. Au moment de la circoncision, des serpents sortent du baobab et tournent au milieu du cercle des ex�cutants. Les femmes st�riles viennent appuyer leurs mains contre l'arbre � l'endroit de la cavit� en forme de niche. Elles font vu de sacrifice au baobab, ou bien de donner son nom � son enfant. C'est pourquoi il y a tant de "citafa" dans le village. Si elles n'ex�cutent pas leurs vux assez promptement, les enfants meurent". En fait, dans cette l�gende tr�s int�ressante, on peut retrouver toutes les facettes de cet arbre si particulier : sociale, cosmogonique, m�dicale... que nous allons retrouver plus avant. A signaler que l'interpr�te du rapporteur, Toucouleur du S�n�gal et musulman, tint � marcher sur le baobab en l'�corchant, sans dommage, mais selon les habitants, "les pouvoirs du baobab ne valent pas sur les blancs, ni sur les musulmans". Ainsi, le baobab entre fr�quemment dans les mythes de fondation de villages, de villes ou de royaumes. Dakar n'y �chappe pas si l'on en cro�t la l�gende suivante : "Deux individus, chass�s de l'int�rieur des terres, fuyant devant des ennemis cruels, ont pu franchir le marigot de Dogoup'Yakhar derri�re lequel ils se sont trouv�s � l'abri. Ils logent dans un baobab, mettent en culture quelques champs. L'eau est proche, la terre fertile. Des mois passent. Deux parentes des fugitifs, sachant qu'ils ont �chapp� aux poursuites, les recherchent et les trouvent. Leur �tonnement est grand devant la richesse des cultures... Elles demandent le nom du pays, N'D�ck�'Raw, "le pays qui sauve", leur est-il r�pondu! Dakar, que les L�bous appellent N'Dakarou, serait une d�formation de N'Deck�'Raw. La forme particuli�re, �trange, imposante du baobab inspire �galement des propos extraordinaires, comme ce texte de Ren� Ferriot, Les baobabs: "Vaguement �tranges, obsc�nes, un peu, atteints d'une maladie d'�paisseur, �l�phantiasis phallique. Mais tourment�s, fig�s dans leurs gestes trop courts, leurs palmettes de feux d'artifice n'illuminant rien que l'ab�me de leur tronc caverneux, o� la fibre se noue sur une s�cheresse sublime, une prodigieuse endurance, qui fabrique de la s�ve avec rien, avec une goutte de vapeur sans existence. Fig�s dans leur errance, comme un troupeau d'�l�phants qui auraient pris racine, ils en ont l'�corce grise et rude, ils ne sont dans cette savane qu'un pr�texte, une pr�sence insolite, trouant le paysage aust�re, faisant semblant d'�tre des arbres. Ils cherchent leur route." ou bien : "... Des baobabs �rigent leurs troncs monstrueux, tordent des branches cagneuses, des bras d'ataxiques, boursoufl�s, stigmatis�s de blessures, rong�s de chancres, trou�s comme des �cumoires. Dans la p�le dorure de leurs derniers feuillages s'abattent les rapaces, dos arrondis sous leurs ailes repli�es, et le vent de la saison s�che fait jouer les fruits, ces pains de singe qui pendent verticalement comme de lourds glands de tentures..." ou encore : "... des baobabs convuls�s tels de monstrueux madr�pores arc-bout�s contre les vents marins...". Enfin Senghor �crit : "... o� se tordent les bras des baobabs d'angoisse... dans ce po�me : "Tout le long du jour, sur les longs rails �troits Volont� inflexible sur la langueur des sables A travers Cayor et Baol de s�cheresse o� se tordent les bras les baobabs d'angoisse Tout le long du jour, tout le long de la ligne Par des petites gares uniformes, jacassantes petites n�gresses � la sortie de l'�cole et de la voli�re Tout le long du jour, durement secou� sur les bancs du train de ferraille et poussif et poussi�reux Me voici cherchant l'oubli de l'Europe au cur pastoral du Sine." Habitat et go�ts Le baobab se rencontre en Afrique tropicale, sp�cialement dans les r�gions sub-humides et semi-arides au sud du Sahara. Il ne pousse pas en for�t tropicale humide. Le genre se rencontre en Australie et � Madagascar qui serait le berceau de l'arbre avec 7 esp�ces diff�rentes recens�es. Il prosp�re avec des pr�cipitations entre 250 et 1000 � 1500 mm, il n'a pas d'exigences particuli�res quant au sol, mais pousse apparemment mieux sur un substrat calcaire ou sur des sols profonds un peu humides. Il est fr�quent pr�s des habitations ou comme t�moin d'anciens �tablissements, car il est sem� et prot�g� par les populations. En Afrique orientale, il peut atteindre 1500 m d'altitude. Multiplication et culture C'est une essence de lumi�re comme la plupart des esp�ces de ce type d'habitat, il faut y penser quant on veut entretenir des bonsa�s. Le tronc �tant succulent, il a une grande r�sistance au feu et � la s�cheresse. Les graines, il y en a 2 � 3000 par kg, peuvent rester viables pendant des ann�es. Si on veut les semer (plut�t en f�vrier-mars), il est au pr�alable recommand� de les faire cuire environ 5 � 7 mn ; dans la nature cette lev�e de dormance se fait dans le tube digestif des gros mammif�res. Vous avez sans doute remarqu� qu'il y relativement peu d'arbres jeunes, consomm�s qu'ils sont par le b�tail ou bien victimes du feu ou de l'�mondage. Les adultes ont peu d'ennemis, cependant les �l�phants cassent les branches en Afrique orientale, les vieux arbres sont foudroy�s, renvers�s par les temp�tes ou s'effondrent. En parlant de vieux arbres, on se pose souvent la question de l'�ge des baobabs. Les estimations sont difficiles et varient �norm�ment, de 1000 "arbre de 1000 ans" � 6000 ans. Sous toute r�serve le c�dre japonais pourrait atteindre 7000 ans et le s�quoia 6000 ans. |
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